La dysplasie du coude est une pathologie mal connue et encore fortement sous-estimée alors que ses conséquences se révèlent être plus graves que celles de la dysplasie de hanche. Résultant d’un défaut de développement entre les différents os du coude, son diagnostique est souvent difficile et posé tardivement à un stade où, malgré la mise en route d’un traitement adapté, la guérison complète est devenue impossible source d’une gène fonctionnelle définitive.
Le coude est l’articulation qui unit les deux os de l’avant-bras, le radius et l’ulna (ou cubitus), à celui du bras, l’humérus. Comme dans toutes articulations, les surfaces osseuses en contact sont recouvertes de cartilage, tissus favorisant le glissement de ces surfaces l’une par rapport à l’autre, mécanisme facilité par la présence dans l’articulation d’un liquide appelé liquide synovial et qui fait office de lubrifiant. Lorsque l’anatomie de cette articulation est respectée, les surfaces osseuses en contact sont parfaitement homogènes et adaptées l’une à l’autre permettant une mobilité sans contraintes. Lorsqu’il y a dysplasie, cette homogénéité est rompue, la mobilité de l’articulation est source de contraintes provoquant des lésions cartilagineuses et osseuses.
L’influence génétique de cette maladie semble indéniable et fait l’œuvre d’un consensus général même si le mode de transmission reste indéterminé à ce jour. La théorie de transmission génétique la plus commune est la transmission dite polygénique (due à plusieurs gènes). Les différentes formes de lésions primaires de la dysplasie du coude étant, par ailleurs, indépendantes génétiquement les unes aux autres, ce qui veut dire qu’un parent ayant une FPCM transmettra une FPCM (et non par exemple une NUPA). Récemment, les dernières avancées dans le domaine semblent s’écarter de l’hypothèse polygénique de la dysplasie du coude en faveur d’une probable influence d’un gène dominant.

radio d’un coude normal

                                                 H= humérus, R= radius, U=ulna
1= processus coronoïde   2= processus anconé   3= incisure trochléaire

Différents mécanismes sont à l’origine de cette pathologie:

Incongruence articulaire (IA)

Non union du processus anconé (NUPA)

Fragmentation du processus coronoïde médial (FPCM)

L’ostéochondrose disséquante ou osteochondrite dissequante du condyle huméral médial (OCD)

Incongruence Articulaire (IA)

Pendant la période de croissance du chiot, radius et ulna se développent de façon parallèle et harmonieuse. La croissance des os est le fruit de l’activité de zones cartilagineuses situées au sein de l’os, les cartilages de croissance. Le défaut de fonctionnement de l’un des cartilages de croissance fera que le radius et l’ulna n’auront pas la même taille et donc, présenteront à l’humérus une surface de contact non homogènes, séparée en deux par une “marche d’escalier”.
Les décalages de très petites tailles peuvent prêter à discussion dans la mesure où l’on a
démontré que le positionnement radiographique du coude peut jouer un rôle sur l’interprétation de la congruence de cette articulation. Si le défaut de croissance touche le radius, on parlera de « fragmentation du processus coronoïde » ou FPCM. S’il touche l’ulna, on parlera de « non union du processus anconé » ou NUPA. Il se peut aussi une forme modifiée de l’incisure ulnaire, qui peut être en relation soit avec une NUPA, soit avec une FPCM, soit avec les deux affections. Même si l’IA n’entraîne pas de FPCM ou de NUPA, en raison des pressions anormales qui s’exercent sur le cartilage articulaire, un phénomène arthrosique s’installera à terme.

Non Union du Processus Anconé (NUPA)

La NUPA résulte d’une absence de fusion du processus anconé au reste de l’ulna. La fusion normale de ce centre intervient vers l’âge de 4-5 mois. L’origine du problème est liée soit à une forme anormale de l’incisure ulnaire, soit à une croissance dissymétrique entre l’ulna et le radius, avec un ulna qui est relativement trop court. Ceci entraîne une pression anormale sur le processus anconé (distracio cubiti), qui l’empêche de se souder avec le reste de l’ulna. La boiterie apparaît souvent dès l’âge de 4,5 mois : le chien a tendance à écarter son coude malade du corps ou à reporter latéralement l’extrémité du membre antérieur boiteux. La boiterie augmente avec l’exercice.

Fragmentation du processus coronoïde medial (FPCM)

Le processus coronoide médial est la partie cranio-médiale de la surface articulaire ulnohumérale et se situe médialement par rapport à l’articulation du coude.
Le processus coronoide peut être partiellement ou totalement fragmenté (FPCM) ou bien insuffisamment ossifié (chondromalacie). La FCPM est la cause la plus fréquente de boiterie d’un membre antérieur en relation avec la dysplasie du coude. Malheureusement, c’est également la plus difficile à diagnostiquer des 4 affections primaires constitutives de la dysplasie du coude. Des radiographies en incidence oblique permettent dans certains cas de mettre en évidence le fragment osseux ou les ostéophytes correspondants, mais, dans de nombreux cas, le diagnostic précis nécessite de recourir à l’arthroscopie, au scanner, ou à l’IRM lorsque ces moyens de diagnostic sont disponibles. Dans certains cas, le fragment du processus coronoïde déplacé détermine une érosion sur la surface articulaire opposée (le condyle huméral médial), que l’on appelle une « kissing lesion » ou « lésion en miroir»
Cette dernière ressemble beaucoup à une OCD du condyle médial de l’humérus. On attribue généralement la fragmentation du processus coronoïde médial à un ralentissement de la croissance du radius par rapport à celle de l’ulna. Ceci détermine l’installation de pressions anormales sur le processus coronoïde médial, qui entraînent sa fragmentation.

L’ostéochondrose disséquante ou osteochondrite dissecante du condyle humeral medial (OCD)

Il s’agit d’un défaut de structure de l’os à sa jonction avec le cartilage qui recouvre les surfaces articulaires (défaut d’ossification endochondrale). Il en résulte un épaississement et une fragilisation de ce cartilage qui subit alors des contraintes de cisaillement lors des mouvements de l’articulation. Le cartilage va tout d’abord se fissurer puis se décoller de l’os, le fragment décollé, flottant librement dans l’articulation. Quel qu’en soit le mécanisme, toutes ces lésions vont se compliquer dans deux tiers des cas de lésions dites secondaires: destruction progressive des cartilages articulaires voire des surfaces osseuses sous jacentes si celles-ci sont mises à nu. Cette destruction cartilagineuse va s’accompagner de la libération de substances chimiques qui vont induire une synovite, c’est-à-dire l’inflammation des membranes entourant l’articulation et du liquide articulaire. Lésions cartilagineuses etsynovite vont alors s’entretenir mutuellement expliquant le caractère rebelle des signes cliniques.

Les signes cliniques se résument à une boiterie rebelle chez un chiot âgé de cinq à douze mois, réagissant mal aux traitements médicamenteux. La résistance au traitement est très évocatrice du diagnostique. A l’examen de l’articulation, on retrouve une réduction de la mobilité et la mise en flexion du coude est douloureuse. Les clichés radiographiques ne sont pas toujours très concluant surtout chez les jeunes chiots. Le scanner donne des résultats plus significatifs mais difficilement accessible en médecine vétérinaire courante.